Compétences et opinions

Je vous propose une petite analyse rapide des résultats de ma petite expérience, cette fois-ci en français. Les données qui suivent sont établies sur la base de 213 réponses collectées du 27 août à 10h37 UTC au 29 août à 8h03 UTC. Sans grande surprise, le panel est massivement masculin (182, 85.4%) ; les 25-55 ans dominent très nettement (173, 81.2%), sont suivis des moins de 25 ans (31, 14.6%) tandis que les plus de 55 ans ne pèsent que 4.2% de l’échantillon (9 personnes).

En moyenne, vous évaluez vos connaissances en mathématiques à 6.3 sur 10 avec une écart-type de 1.9 et une asymétrie à gauche assez prononcée (-0.47) — La note la plus fréquente est 7 sur 10. C’est en anglais que la note moyenne est la plus élevée (7) ce qui, bien sûr, traduit un biais de sélection puisque le test était en anglais. Vos notes en matière de compétences économiques et financières, enfin, se distribuent de manière très uniforme : la moyenne se situe à 5.4 avec un écart-type très élevé de 2.4 et une asymétrie quasi-nulle.

Le biais de sélection est également évident lorsqu’on considère le jugement que vous portez sur les marchés financiers : vous êtes 107 (soit moitié de l’échantillon) à avoir répondu qu’ils étaient essentiels au bon fonctionnement de l’économie, 49 à les juger plus ou moins utiles, 32 à penser qu’ils sont déconnectés de l’économie réelle et 14 seulement à y voir un grand casino inutile qui ne sert qu’à engraisser les riches.

Ceci étant dit, revenons-en aux résultats des enchères. Le moins que l’on puisse dire c’est que ces derniers sont hétéroclites : ils couvrent à peu près l’intégralité du spectre des possibles (et même au-delà) ; de l’hyper-rationalité de celui qui propose 99.66115 et 83.051 dollars respectivement [1] jusqu’aux propositions les plus délirantes (sur la première enchère, j’ai une offre à 2,000 dollars, une autre à 1 dollar et j’en ai 4 qui estiment que ça ne vaut rien du tout !), la dispersion des résultats est telle qu’il est quasiment impossible de vous proposer des moyennes un tant soit peu significatives.

Une chose qu’on peut faire, en revanche, c’est analyser le profil de ceux qui ont proposé les meilleures réponses par rapport à l’ensemble de l’échantillon. En procédant de cette manière, on retient — à priori — un groupe d’individus qui, peu importe leur degré de connaissance technique, ont essayé de répondre sérieusement à la question à la manière de philosophes (décrire ce qui est) tout en éliminant les réponses fantaisistes (et notamment les jugements de nature morale ou religieuse).

Encore faut-il, bien sûr, définir des critères objectifs qui permettent de classer les réponses entres-elles. Évidemment, ces critères sont forcément un peu partiaux. Pour rentrer dans le groupe des « meilleures réponses », la vôtre devait satisfaire aux deux critères suivants :

Primo, le prix proposé lors de la première enchère soit être supérieur ou égal à 95 dollars et inférieur 99.7 dollars. La borne basse correspond à un taux sans risque de 5.26% ce qui, au regard des conditions de marché de ces dernières années, est déjà très élevé tandis que la borne haute (99.7 dollars [2]) correspond à un taux de 0.3% — c’est-à-dire un peu moins que le taux des T-Bill à un an au moment de l’expérience. Ces chiffres sont arrondis pour tenir compte du fait que la plupart des réponses le sont aussi.

Deuxio : le prix proposé lors de la seconde enchère reflète une prime de risque nulle ou positive et inférieure à 15%. Pourquoi nulle ? Parce qu’exclure les réponses risques neutres reviendrait à sanctionner ceux d’entre vous qui sont manifestement les plus techniquement compétents. Je place une limite maximale à 15% de prime de risque pour ne pas éliminer celles et ceux qui ont répondu « au doigt mouillé ». Enfin, j’élimine les primes de risque négatives parce que, dans le cadre que je vous proposais, c’est une réponse parfaitement irrationnelle (et c’était fait exprès [3]). Là encore, j’utilise des règles d’arrondi qui permettent de ne pas éliminer les réponses approximatives.

Au total, vous êtes 56 (un gros quart de l’échantillon) à avoir passé ces deux filtres. Le tableau suivant donne les notes moyennes que vous vous êtes attribués et les compare à l’ensemble des participants.

— Table 1 —
Meilleures réponses
Notes moyennes (sur 10)

Domaine Sélection Ensemble
Mathématiques 6.7 6.3
Anglais 7.2 7
Économie & Finance 6.4 5.4

Vous noterez que c’est en matière de connaissances économiques et financières que l’écart est le plus sensible — presqu’un demi écart-type. Sur ce critère, ils ne sont que 8 à évaluer leurs connaissance en-deçà de 5 contre 32 à s’attribuer 6 ou plus.

Plus intéressant, la distribution de ce groupe en fonction de leur opinion sur les marchés financiers (la question était : « What is your opinion on financial markets? ») :

— Table 2 —
Meilleures réponses
Opinion sur les marchés financiers (%)

Réponse Sélection Ensemble
Essential to the economy 64.3% 50.2%
Somehow useful 23.2% 23.0%
Disconnected from the real economy 5.4% 15.0%
Useless casino for the wealthy 5.4% 6.6%
No opinion 1.8% 5.2%

C’est-à-dire que dans le groupe des meilleurs réponses, ceux qui ont une opinion positive du rôle des marchés financiers sont largement surreprésentés tandis que ceux qui se montrent les plus critiques (déconnexion de l’économie réelle et casino) sont nettement sous-représentés.

De la même manière, on peut former le groupe composé des plus mauvaises réponses : prix inférieurs à 50 dollars (soit un taux sans risque supérieur à 100% !), supérieurs à 100 (je ne compte pas les prix strictement égaux à 100 pour ne pas pénaliser d’éventuelles réponses purement idéologiques [4]) et prix de la deuxième enchère supérieurs ou égaux à ceux de la première. On obtient un groupe de 36 personnes qui se notent elles-mêmes comme suit :

— Table 3 —
Moins bonnes réponses
Notes moyennes (sur 10)

Domaine Sélection Ensemble
Mathématiques 5.5 6.3
Anglais 6.2 7
Économie & Finance 4.3 5.4

Quant au jugement que porte ce groupe sur les marchés financiers :

— Table 4 —
Moins bonnes réponses
Opinion sur les marchés financiers (%)

Réponse Sélection Ensemble
Essential to the economy 33.3% 50.2%
Somehow useful 25.0% 23.0%
Disconnected from the real economy 13.9% 15.0%
Useless casino for the wealthy 11.1% 6.6%
No opinion 16.7% 5.2%

Évidemment et comme je l’ai déjà souligné, le panel est biaisé, les contions expérimentales sont loin d’être parfaites, de nombreuses réponses ne sont sans doutes pas vraiment sincères ou sérieuses… bref, cette petite expérience n’a pas vraiment de valeur scientifique (par exemple, les 11.1% qui voient les marchés financiers comme un grand casino dans la table 4 ne sont que quatre). Cela dit et sans revenir sur ce que je viens d’écrire, si ces résultats pouvaient convaincre qui de droit de creuser un peu le sujet, ça serait peut être pas inutile.

---
[1] Ce monsieur à actualisé mes 100 dollars au taux des T-Bill à 1 an (0.34%) puis actualisé l’espérance de remboursement de la deuxième enchère (83⅓) au même taux pour tomber sur le prix risque-neutre à 3 décimales près. (Message à l’intéressé : pour la deuxième enchère, vous avez proposé 0.83051 dollars. Un peu surpris au début, j’ai fini par comprendre que, suite à une bête erreur de calcul, c’était bel et bien 83.051 dollars que vous vouliez écrire.)
[2] Toutes les offres supérieures à 99.66115 dollars (voir note précédente) sont supérieures ou égales à 100 dollars.
[3] Une manière classique d’illustrer l’aversion au risque consiste à proposer deux options : (i) prenez 100 dollars ou (ii) jouons à pile ou face, pile vous gagnez 300, face vous perdez 100. Dans cette configuration, un certain nombre d’individus (risk-seekers) peuvent tout à fait choisir de tenter leur chance et choisir le lancer de pièce.
[4] Près de la moitié des partisans du « casino de riches » ont répondu ça.

My Little Experiment

First of all, I’d like to thank all the participants to my little experiment with a special mention for those who helped me to get answers beyond the narrow circle of my followers. As I am writing this, the number of answers has just crossed the 201 mark — which is, to be honest, much more than what I expected.

That was a test. I’m not working on an academic research paper (as some of you rightly noted, the panel of respondents would have been highly biased toward economists and financial markets professionals) but on pedagogical tool I intend to use with my students. I was just trying to come up with something workable and needed a little bit of user testing: I had much more than this since some of you (I don’t know who, by the way) provided me with a number of very useful suggestions. So, again, thank you everybody!

Spoiler alert: if you want to do the test, do it before reading what follows.

The raw data is there. I have just removed the answers to the last question (“According to you, what was that all about?”) to protect everyone privacy (there was a number of personal messages in there) as well as three answers (a troll and two obvious jokes). You may play with if you want but keep in mind that the panel is biased.

So, what was that all about?

The first question was, of course, about time preference or, to be more specific, about time-value of money. To put it simply it means that, for “normal” homo sapiens, a dollar today is worth more than a dollar at any distant date in the future. Since I was assumed to be a borrower of an unquestionable creditworthiness (a Lannister) offering to pay back 100 dollars, any strictly positive amount below 100 dollars was therefore a consistent answer. For instance, if you have offered 80 dollars, it basically means that, in one year from now, you’ll get your 80 dollars back plus 20 dollars of interest — that’s a 25% interest rate (100/80-1=0.25). If your answer fits in that range, I considered it as a “valid” answer.

Of course, since you had no reason to question my ability to pay my debt, a 25% interest rate was completely off current market conditions. For instance, as the questionnaire was circulating, the 12-months USD LIBOR rate was around 0.83% and the 1-year T-Bill rate was 0.34% — therefore, a realistic price would have been somewhere between 99.18 and 99.66 dollars (one respondent bided 99.66115 dollars exactly — unsurprisingly, he rated himself 9 in finance and economics).

If you’ve answered zero, it means that you are discounting future amounts with an infinite interest rate. In other words, you think that any future payment is worthless which means, for instance, that you would refuse any wage-paying job unless your boss agrees to pay you on a continuous basis — e.g. you want a cash transfer for every second of work. If you have bided 100 dollars or more, it means that your discount rate is equal to zero or negative. The latter doesn’t make sense (most people answering this ranked themselves poorly in finance/economics and even sometimes in English) while the former is probably a moral condemnation of interest (typically people who see financial markets as a “useless casino for the wealthy”). These answers fall in the “out of range” category.

Table 1
Bids in auction #1

Range ($) Number
[99:100[ 12
[90:99[ 124
[75:90[ 22
]0:75[ 21
Out of range 22

The second question was, as many of you guessed, about risk aversion and the risk premium. Results are a bit trickier to interpret since they must be analyzed with respect to your first answer. For instance, if you have bided 80 on the first auction (meaning that your one-year risk-free rate is 25%), you are expected to bid a lower amount (a higher yield) on the second option because it’s riskier. Out of the 179 valid answers to the first question, an overwhelming majority of respondents got it right (171 or 95.5%).

In real life, the situation where a borrower is not able (or not willing) to meet its obligations is called a default. As it is, of course, extremely difficult to assess someone’s creditworthiness [1], I’ve created a similar risk (you don’t get your money back) that is easy to measure, known in advance and does not depend on interpretations. With the “roll-a-dice” thing, we know exactly all possible outcomes (1, 2, 3, 4, 5 or 6) and their associated probabilities (1/6th each). From this, it is fairly easy to compute the expected reimbursement amount: 83⅓ (100*5/6).

This is where it starts to be interesting. Assuming you have bided 80 dollars on the first auction (e.g. your one-year, risk-free interest rate is 25%), the mathematically perfect bid for the second option is 66⅔. Why is that? Because by lending 66⅔ dollars at 25% you would get exactly 83⅓ dollars after on year — which is the expected reimbursement amount. In other words, your bid hedges your risk to the penny: you’re risk neutral [2]. You may easily compute the risk-neutral bid given your first bid ($x$) with the following formula: $(83+\frac{1}{3}) \times \frac{x}{100}$.

Now, using the same example, if you paid more than 66⅔ dollars, you’re basically requiring a lower interest rate to participate in a risky project than what you asked to lend me money without any risk. For instance, if your second bid is 70 dollars, your risk-adjusted rate of interest is 19.05% (83⅓/70-1) to be compared with the 25% you required in the risk-free auction. You’re a risk lover (or risk seeker) meaning that you have a preference for risk; you’re willing to make less money in percentage terms to play the risky game.

Lastly, you may also have bided a lower amount in which case you’re said to be risk-adverse. For instance, if you only paid 60 dollars, you’ll get a 38.89% interest rate which is much higher than the risk-free 25%. It basically means that, explicitly or intuitively, you required an extra discount, an incentive, to participate to the risky auction. In finance and economics, the difference between the risk-adjusted interest rate you require to participate in a risky project and the risk-free rate (38.89%-25%=13.89%) is known as a risk premium.

If you’re risk neutral your risk premium is equal (or very close) to zero, risk lovers have negative risk premiums and risk-adverse people have a positive risk premium. The next table summarizes the implicit risk premiums extracted from the bids of the 171 respondents who made it through the first two filters.

Table 1
Risk premiums in auction #2

Range (%) Number
Risk-lovers (below -1%) 24
Risk-neutral (-1% to 1%) 28
- of which [-0.01%:0.01%] 13
Risk-adverse (above 1%) 119
- of which > 10% 85

Well, that’s typically what was expected: most people are risk-adverse. I’m afraid it’s nothing new: remember I’m just trying to explain the concept to my students.

---
[1] That’s the business credit rating agencies such as Moody’s or Standard & Poor’s are in, by the way.
[2] Alternatively, you’re good at maths and you wanted to prove it.

Now, if you’re a teacher and if you want to use something like this for your students, maybe we can join forces and build something more robust. Just tell me.

The minimum wage consensus

If a minimum wage of 15 dollars per hour won’t kill jobs then why not increase it to 100 dollars?

Yeah, I know, it’s a strawman argument. Everybody agrees that a 100 dollars minimum wage would massively destroy jobs (anywhere on earth) just like everybody agrees that a one dollar minimum wage wouldn’t have any effect whatsoever on employment (at least in the United States). As far as reasonable and economically literate people are concerned, the debate is about the 15 bucks threshold. Call me Dr Obvious if you want but I think there is a very important point here: both side of the argument agree that, above a given threshold, a mandatory minimum wage would destroy jobs.

Let me summarize. On one side, Team Free Market (and, to be clear, I’m part of that team) argues that by raising the minimum wage to 15 dollars the US government will outlaw the employment of people whose skill-sets is worth less than 15 dollars an hour — that is unexperienced and/or underqualified workers. On the other side, the advocates of the raise argue that this “cost of labor” effect will be negligible and that it will be offset by an increase in aggregate demand (because low-income households have a higher marginal propensity to consume).

But both sides agree that, somewhere between 1 and 100 dollars, there is a threshold beyond which the minimum wage will start destroying jobs — that is, above that point the “cost of labor” effect will outweigh the “aggregate demand” effect. I guess it’s fair to assume that most of the supporters of the raise think 15 dollars is a reasonable threshold given current US market conditions (I guess further that they would not support that proposal for lower productivity countries such as India). To me and to most of Team Free Market, it looks way too high. But at least, we all agree that there is a threshold. That’s a consensus. Let’s celebrate!

Votre mot de passe

On ne va pas épiloguer pendant 150 ans, vous avez besoin : De mots de passe très forts (à partir de 128 bits), un par site (sauf, éventuel...